Le Bassin du Congo, poumon de la planète, menacé par la ruée vers le pétrole et les minerais

Nelson Santillan

Un fonds d’investissements pour les forêts tropicales a été lancé à la COP30 à Belém. Il s’adressera notamment au Bassin du Congo, foyer à 130 millions de personnes en Afrique centrale. Désormais premier poumon de la planète, le massif forestier africain est au cœur de nombreuses préoccupations régionales et mondiales. Entretien avec le père Rigobert Minani Bihuzo, coordinateur du Réseau Ecclésial du Bassin du Congo (REBAC).

Alexandra Sirgant – Envoyée spéciale à Belém, Brésil

«Ici, je me sens comme chez moi» lança le cardinal congolais Fridolin Ambongo lors de la conférence menée par les représentants des Églises du Sud jeudi dernier à la COP30 à Belém, aux portes de l’Amazonie. Un climat humide, des précipitations abondantes et des forêts tropicales denses, tant de points communs entre les deux bassins forestiers séparés par des kilomètres d’océan atlantique, mais tous deux traversés par l’équateur terrestre.

Ce sont ces similarités qui ont convaincu les représentants ecclésiaux de la région centrale africaine à venir nombreux à cette édition de la COP. Les deux dernières conférences onusiennes sur le climat, organisées au cœur des deux puissances pétrolières émiratie et azerbaidjanaise, semblaient trop éloignées des réalités climatiques vécues sur le continent africain, confie le président du Symposium des Conférences Épiscopales d’Afrique et de Madagascar (SCEAM) avant son vol retour pour Kinshasa. Un long périple qui requiert la prise de plusieurs avions et près de 24 heures de trajet. Pas de quoi affaiblir la motivation de la délégation africaine, à laquelle appartient le père Rigobert Minani Bihuzo, coordinateur jésuite du Réseau ecclésiale du Bassin du Congo (REBAC) qui œuvre pour l’intégration de la question de la lutte contre le changement climatique dans la pastorale. Depuis deux ans, le REBAC coordonne également les cinq autres réseaux ecclésiaux mondiaux, déterminés à répondre à l’appel de l’encyclique Laudato si’, réunis sous la bannière de l’ENA (Ecclesial Networks Alliance for Integral Ecology), soit l’Alliance des réseaux ecclésiaux pour l’écologie intégrale.

Le père Rigobert Minani Bihuzo.

Le Bassin du Congo, poumon vert oublié du monde

De par sa taille, l’Amazonie a longtemps détenu le titre de «premier poumon de la Terre». Mais en raison des effets négatifs de la déforestation et de la monoculture agricole, accélérées sous la présidence brésilienne de Jair Bolsonaro, le Bassin du Congo est désormais le plus grand puits de carbone tropical de la planète, affirme le père Minani. Un constat souligné dans le dernier rapport du Panel Scientifique pour le Bassin du Congo (SPCB), lancé lors de la COP28. Selon les 180 scientifiques qui ont travaillé à la rédaction de ce rapport, les vastes forêts de plaine intactes absorbent par photosynthèse environ 0,66 tonne de carbone par hectare chaque année. Sans oublier les 30 milliards de tonnes de carbone stockées dans les tourbières du bassin, ces zones humides très riches en matière organique.

Les 3,56 millions de km² du bassin recouvrent le Cameroun, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo, la République du Congo, la Guinée équatoriale et le Gabon. Ils abritent 10 000 espèces de plantes et un fleuve dont le débit talonne de près celui de l’Amazone. Contrairement aux forêts tropicales d’Amazonie ou de Bornéo, celles du Bassin du Congo ont été relativement préservées de l’invasion des multinationales forestières, grâce à leur localisation territoriale, encastrées dans les terres, explique le représentant du REBAC. Néanmoins, cette aubaine géographique ne freine désormais plus les convoitises extérieures, affrime-t-il.

Des écosystèmes menacés par les activités pétrolières et minières

«Au fond de la forêt, il y a de nombreux blocs pétroliers que beaucoup d’entreprises internationales sont en train de regarder de très près, et le gouvernement congolais a été sollicité pour des permis d’exploration et d’exploitation», déplore le père Minani. À cela s’ajoute la ruée vers le cobalt, le lithium, le coltan ou encore le nickel dont regorge la région. La course pour obtenir ces minerais, dits «stratégiques» car essentiels à la transition énergétique, entraine déforestation massive et construction d’installations industrielles qui déséquilibrent les écosystèmes et polluent les cours d’eau.

Autre défi: la dépendance au bois. Les pays du bassin du Congo dépendent davantage de la biomasse ligneuse (bois, sciure de bois, déchets forestiers) pour satisfaire leurs besoins énergétiques, que la plupart des autres pays du monde. Le manque d’électricité et le coût des alternatives font du bois une source d’énergie dominante pour une grande partie des 130 millions de personnes dépendant du bassin. Difficile alors de freiner la déforestation. «Sans appui financier suffisant aux populations locales pour trouver des alternatives, on risque d’avoir les mêmes problématiques qu’en Amérique latine et en Indonésie».

Un fonds mondial pour inciter à la sauvegarde des forêts

Au premier jour de la COP30, le président brésilien a lancé le Tropical Forest Forever Facility (TFFF), un mécanisme destiné à lever 125 milliards de dollars pour préserver les forêts tropicales. Si le fond suscite débats et réserves chez certains, le REBAC souhaite qu’il soit rapidement opérationnel. «Maintenant, il ne suffit pas seulement de donner des fonds au gouvernement, mais qu’ils puissent atteindre les populations qui vivent dans la forêt» met en garde le père jésuite. «Voila pourquoi nous pensons que la lutte contre le changement climatique va de pair avec le combat pour la bonne gouvernance, la démocratie et la bonne gestion des États africains».

 

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